
Considéré en un seul mot, le « yin-yang » exprime une sorte de concept, à la fois général et précis, qui n’a pas d’équivalent en français, c’est pourquoi il ne faut pas chercher à le traduire, il vaut mieux l’utiliser tel quel.
Ce concept s’applique à toute paire de choses, de catégories, ou d’idées.
Il exprime à la fois la nature relative de chaque élément de la paire l’un par rapport à l’autre (un élément yin, et un élément yang), et leur relation, qui peut être : opposition, complémentarité, subordination, consécutivité, voire un peu tout cela à la fois …. Il exprime en définitive toute paire dans leur état d’harmonie, de stabilité, de perfection.
Le yin-yang est symbolisé par une figure dans laquelle :
1) Yin et yang sont symbolisés par noir et blanc (le blanc majoritairement au-dessus).
2) Les relations entre yin et yang le sont par la manière dont ces teintes s’entremêlent.
Je ne passerai pas en revue les innombrables paires auxquelles s’appliquent aussi bien le yin-yang et le pavé mosaïque.
Un exemple typique est celui du couple femme/homme : dans le couple, la femme est yin, l’homme est yang. Pas seulement sur le plan de la conception des enfants, mais même pour des questions plus mentales. Par exemple il appartient souvent à l’homme de prendre les décisions familiales. Combien de fois ma femme me demande « Quelle est ta décision ? » !!!. Ceci dit il ne vaut mieux pas que je m’avise de prendre une décision qui n’ait pas été explicitement (ou surtout, implicitement) suggérée par elle !
Maintenant, pris individuellement, femme et homme sont à la fois yin et yang, et l’équilibre mental d’un être humain est obtenu lorsque ces deux aspects complémentaires sont en harmonie.
Lorsqu’il s’agit de paires dynamiques, le symbole exprime que le yang, situé surtout au-dessus du yin, a sur le yin un rôle plutôt directeur ou régulateur. Mais le yang descend aussi jusqu’en dessous du yin, ce qui exprime qu’il ne doit rien ignorer de la nature de celui-ci. De plus, les points noir et blanc expriment que le yin a aussi pour fonction de réagir sur le yang autant que le yang agit sur le yin ; le yang doit tenir compte des réactions possibles du yin.
Au yang l’action, au yin la réaction. Dans la paire actif/passif, l’action est naturellement yang, la passivité est yin ; mais – ce qui prouve l’intraduisibilité de ces concepts – yin n’est pas passif en soi ; yin est passif à certains points de vue, mais aussi réactif ; notez que l’on distingue bien la réaction de l’action ; réaction n’est pas action. Une véritable action est … active ; une ré-action est en réalité passive : elle n’a pas son moteur en elle, mais dans l’action qui l’a suscitée.
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SUR LE PLAN PERSONNEL:
yin-yang s’applique à la paire ego/conscience dans leur relation dynamique..
Paradoxalement, la conscience (yang) est grammaticalement du féminin, et l’ego (yin) du masculin.
Je préfère parler d’ « ego » plutôt que du « moi », parce que sa tendance inéluctable s’appelle justement « égoïsme ». Ce que l’on appelle le « moi » serait plutôt la paire ego/conscience.
Ce que l’on appelle « ego » concerne le mental, avec les désirs, les motivations, le caractère psychologique, la personnalité. L’ego est individuel.
La conscience est, essentiellement, perception juste de la réalité. Comme telle, elle n’est pas individuelle, mais générale ou universelle, car la réalité est ce qu’elle est, sans dépendre de la façon dont les individus la perçoivent.
Il y a différents niveaux de conscience : conscience de classe, conscience civique, conscience morale ; elles ne sont que partielles, car ne prenant en compte de des réalités partielles. La conscience universelle connaît la réalité dans son ensemble, c’est-à-dire avec ses enchaînements complets de causes et d’effets. C’est dire la difficulté de l’acquérir !
il y a harmonie lorsque l’ego est dirigé par la conscience sans être envahi par elle (les points noir et blanc) ; lorsque la conscience n’oublie pas de prendre en compte les besoins et les qualités propres de l’ego ; tout en rejetant ses caprices (encore qu’il fasse peut-être partie des besoins de l’ego de lui accorder quelques caprices…).
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EN POLITIQUE.
Le yin-yang étant chinois, restons tout d’abord en Chine. La Chine traditionnelle (taoïste) considère essentiellement la paire peuple/Roi (roi ou empereur). Le Roi est yang, le peuple est yin : le Roi dirige son peuple, mais comme le suggère le point noir dans le blanc, en étant à l’écoute de celui-ci. Ceci s’applique bien entendu à tout système politique : à la place du Roi, entendez « gouvernement » en général. A un Roi véritablement yang (c-à-d un Roi qui règne par l’amour de ses sujets et la perspicacité), est associé un peuple véritablement yin (c-à-d solidaire et paisible). D’un tel Roi il était dit qu’il gouvernait selon ce que la tradition appelle « le mandat du Ciel ». Idéalement, en pratiquant ce que le taoïsme appelle la « pratique du non-agir », ou aussi l’ « action non-agissante », autrement dit l’action qui n’entraîne aucune réaction du peuple.
Plus il y a d’interdits et de prohibition, plus le peuple s’appauvrit ;
Plus on possède d’armes tranchantes, plus le désordre sévit ;
Plus se développe l’intelligence fabricatrice, plus en découlent d’étranges produits ;
Plus se multiplient les lois et les ordonnances, plus foisonnent les voleurs et les bandits.
C’est pourquoi le sage dit : [« sage » pouvant s’appliquer, donc, au chef gouvernant selon le mandat du ciel]
Si je pratique le non-agir, le peuple se transforme de lui-même.
Si j’aime la quiétude, le peuple s’amende de lui-même.
Si je n’entreprends aucune affaire, le peuple s’enrichit de lui-même.
Si je ne nourris aucun désir, le peuple revient de lui-même à la simplicité. (Tao 57)
On régit un grand Etat comme on fait frire un petit poisson (Tao 60)
(c’est-à-dire qu’on le remue le moins possible: on le frit une fois d’un côté, une fois de l’autre)
J’ai trois trésors que je détiens et auxquels je m’attache.
Le premier est amour [compassion],
Le deuxième est économie,
Le troisième est humilité.
Plein d’amour, je puis être courageux,
Econome, je puis être généreux,
Humble, je puis devenir chef du gouvernement.
Quiconque est courageux sans amour,
Généreux sans économie,
Et chef sans humilité,
Celui-là va à la mort.
Qui se bat par amour, triomphe ;
Qui se défend par amour, tient ferme ;
Le ciel le secourt et le protège avec amour. (Tao 67)
Quittons la Chine pour une application à la démocratie. Dans une démocratie idéale, chaque citoyen est à la fois gouverné et gouvernant, donc à la fois yin et yang. En tant que dépositaire d’une parcelle de gouvernement, il est yang ; en tant qu’homme du peuple il est yin. Chaque citoyen est à la fois peuple et roi ; homme du peuple solidaire de tous ses concitoyens (et non pas seulement de ses intérêts individuels), et en même temps, gouvernant responsable veillant (selon son niveau propre) au bien de tous.
Il en résulte qu’une démocratie fonctionne harmonieusement lorsque chaque citoyen pratique les vertus qui réalisent sa propre harmonie personnelle, donc lorsque sa conscience dirige correctement son ego, lorsque son propre yin-yang est en harmonie interne. L’amour du prochain, la perspicacité, et les vertus civiques découlent naturellement de cette harmonie.
Lorsque ce n’est pas le cas, la démocratie devient démagogie (voire tyrannie…), et ne met pas longtemps à sombrer. Mécanisme de la démagogie : supposons un gouvernement exerçant une action inique (une loi imparfaite par exemple) – donc, contraire au « mandat du ciel » ! ; conséquence : réaction du peuple ; alors le gouvernement, au lieu d’agir en yang, cad de corriger cette loi, se contente de réagir à la réaction du peuple, se comporte donc en yin ; auquel cas le peuple réagit de nouveau ; et ainsi s’enclenche la spirale des réactions en chaîne. Il n’y a plus d’action, plus de yang, la paire peuple/gouvernants est devenue yin-yin, donc complètement déséquilibrée.
Le risque de démagogie est sans doute d’autant plus grand que la pratique démocratique tend à se réduire aux seules élections. Inversement, une véritable démocratie est de nature plus « participative » : elle suppose une grande majorité de citoyens vertueux, ayant tous une participation plus ou moins active à la vie sociale ; ce qui dans la réalité actuelle semble assez utopique.
1e conclusion : de cette relation entre peuple et gouvernants, résulte
l’ adage : Un peuple a le gouvernement qu’il mérite.
Et l’adage réciproque : un gouvernement a le peuple qu’il mérite.
2e conclusion : sans un minimum d’amour, rien ne peut fonctionner bien ni longtemps. Comme le disait en substance Saint Paul, « j’aurai beau avoir toute la science, toute la foi, j’aurai beau donner ma fortune aux miséreux, s’il y manque l’amour, cela ne signifie rien ».