(rédigé en 2019)
Cette page fait suite à un essai publié il y a 12 ans sur mon ancien site :
http://marc.gensane.free.fr/esquisses/philosophie/consommer%20moins.htm
Par bonheur, certaines des observations énoncées il y a 12 ans ne sont plus entièrement vraies maintenant. Ainsi l’obsolescence programmée commence(commence, seulement) à être combattue ; pour les voitures par exemple, il n’est plus vrai qu’elles tombent en rade avant 100 000 km : il y a eu une amélioration dans ce domaine. Mais il reste beaucoup à faire.
Le Taux de Croissance fait l’objet d’un culte idolâtre qui persiste de plus belle, malgré les critiques sérieuses et fondées dont il est l’objet depuis des décennies, en même temps que celles du PIB.
Ainsi on persiste à relier la lutte contre le chômage au taux de croissance. L’éradication du chômage n’est pas une question de croissance, mais beaucoup plus simplement de partage du travail, et de formations adaptées ; il suffit de le vouloir, et alors les solutions techniques apparaissent ; mais il semble qu’« on » ne le veuille pas…. Ce n’est pas une question d’économie, mais de solidarité.
Le culte du Taux de Croissance se prolonge insidieusement dans le concept de « Développement Durable ». Cela traduit comme un blocage mental, une incapacité à se débarrasser des concepts véhiculés par la toute-puissance de l’économie moderne basée sur le profit ; véhiculés aussi par la peur – or la peur est mauvaise conseillère. Je ne serais pas le premier à considérer le « développement durable » comme un oxymore …
LE BUT DE L’ECONOMIE N’EST PAS LA CROISSANCE OU LE DEVELOPPEMENT, C’EST L’ADEQUATION AUX BESOINS.
Dans les cas où cette adéquation est atteinte, aucune espèce de « croissance » ou de « développement » ne se justifie plus. C’est alors que l’on crée de faux besoins, et cela devient de la perversité. Dans ce cas, on est en situation d’ « OBESITE ECONOMIQUE » : c’est comme l’obésité physique : une partie est trop et inutilement grosse, d’autres parties sont atrophiées (les plus vitales). Nous en sommes à ce point : dans les pays « développés », il y a beaucoup d’activité économique inutile (et de consommation idem) ; dans les pays « en voie de développement », il y a pauvreté et misère ; pauvreté et misère n’ayant d’ailleurs jamais disparu non plus des pays « développés ». Une cure d’amaigrissement s’impose, c’est cela que l’on appelle « décroissance ». Une cure d’amaigrissement, c’est pour faire fondre les graisses, mais rétablir la musculature en contrepartie, et l’un entraîne l’autre ; pour l’économie, c’est la même chose : cesser les consommations/productions inutiles, et rétablir les consommations/productions utiles (notamment pour les plus pauvres), et là aussi, l’un entraîne l’autre.
La notion de « transition énergétique » signifie le passage aux énergies renouvelables (très bien, certes), mais n’inclut guère l’idée non moins importante de diminution de la consommation d’énergie. Il ne s’agit pas seulement d’économies d’énergie, mais d’une diminution drastique, qui serait corollaire de la « décroissance » en général. Une diminution qui concerne les faux besoins. Et surtout une diminution inéluctable, car les énergies renouvelables seront loin de pouvoir assurer la consommation actuelle d’énergie dans le monde.
Il faudra cesser de tergiverser. « Développement durable » et « transition énergétique » ne font que voiler, d’une fausse vertu, un désir de ne pas sortir du cercle vicieux production-consommation, alimenté par des intérêts égoïstes. Si nous ne programmons pas notre « décroissance », elle se produira de toute façon, par nécessité, mais d’une manière qui risque d’être beaucoup plus brutale.
Le « retour en arrière »
Les opposants à la décroissance programmée lui reprochent que ce serait retourner en arrière, voire retourner à la bougie, et certains n’hésitent pas à la caricaturer grossièrement.
1) Ce reproche, présenté comme un défaut, n’est en soi ni une qualité ni un défaut ; un « retour en arrière » n’est pas mauvais en soi : au contraire, cela peut être aussi bien reconnaître qu’on s’est trompé. Il y a des cas où un soi-disant « retour en arrière » s’avère une bonne solution, et alors il ne faut pas s’en priver !
Nous pensons par exemple au rétablissement des petits commerces de quartier, et des métiers artisanaux de quartier. Ou encore, au retour à de vrais êtres humains comme intermédiaires, à la place des répondeurs programmés ou des commandes obligées sur internet. Dans ces deux exemples, ce soi-disant « retour en arrière » ne serait pas autre chose qu’un retour à plus d’humanité !
2) Surtout, ce reproche tient de la mauvaise foi, une manipulation mentale de ceux qui veulent conserver leurs sources de profits, car les tenants de la « décroissance » se sont clairement exprimés là-dessus (Jacques Ellul, Serge Latouche, Vincent Cheynet, Albert Jacquard, et bien d’autres ; même Jancovici, réticent au départ, a adopté le terme) : pour eux, outre son aspect nécessaire, il s’agit clairement d’une cure d’amaigrissement.
Le mot « décroissance », qu’on le veuille ou non, n’est autre que le meilleur antonyme de « croissance » ; et aussi, il recouvre une philosophie basée sur la conscience de l’interdépendance entre tous les êtres humains, et de notre interdépendance avec la nature. Bien prendre conscience de cette interdépendance, nous conduirait ipso facto à la réalisation de ce que l’on appelle maintenant la « sobriété heureuse ».