Rédigé en février 2020, après les grèves de fin 2019
Nous parlons ici en général des grèves qui touchent les services publics : transports (chemins de fer, métro et bus, transporteurs routiers, approvisionnement en énergie ….), écoles, poste, …. Rappelons le but d’une grève : celle-ci est un moyen de pression utilisé lorsque les employés d’un organisme (petit ou grand ; privé ou public ; etc.) jugent que le fonctionnement de cet organisme est inéquitable ou inadéquat, vis-à-vis d’eux-mêmes, ou éventuellement en regard de l’objectif de l’organisme. Le mouvement de grève constitue un moyen de pression dans la mesure où il affecte directement le fonctionnement de cet organisme. C’est là naturellement la principale raison de toute grève : peser sur le fonctionnement de l’organisme qui nous emploie, pour essayer d’obtenir satisfaction.
Le problème est quand ces grèves nuisent aussi aux autres, ce qui est notamment le cas dans les services publics. Alors ces nuisances revêtent souvent un caractère très sérieux : elles influent indirectement ou directement, peu ou prou, sur les revenus et la santé de ceux qui les subissent (on pourrait faire tout un article à ce sujet).
Les grévistes en sont d’ailleurs parfaitement conscients.
Qui plus est, une grève dans un organisme public n’affecte pas en réalité cet organisme : les éventuelles pertes subies sont compensées par le fait même qu’il s’agit d’un service public. Elles sont « récupérées » via des augmentations de tarifs ou d’impôts, donc de toute façon en faisant payer le consommateur lambda. Donc les grèves d’organismes publics nuisent doublement aux « usagers » : par la gêne occasionnée pendant ces grèves ; et par le rattrapage financer qui peut en résulter. Et ne nuisent pas aux organismes eux-mêmes. Donc le moyen de pression risque fort d’être nul.
Cette observation s’applique aussi aux organismes privés présentant un caractère évident de service public, tels que ceux qui sont directement impliqués dans la fourniture d’aliments de base, ou d’énergie domestique.
Pour justifier les nuisances résultant de leur grève et dont ils sont bien conscients, les grévistes avancent essentiellement les deux arguments suivants :
1) Leur mouvement profitera aussi à ceux qui ne peuvent pas faire grève et qui subissent les nuisances de ce mouvement.
Je n’ai aucun exemple en tête que cela se soit réalisé. Cet argument, de toute façon subsidiaire, tient de la mauvaise foi et ne mérite pas d’être pris en considération.
2) Argument plus fondamental : la grève n’est pas de la faute des grévistes, mais du gouvernement qui veut imposer une situation inique.
Pour analyser schématiquement le contenu de ce deuxième argument, posons quelques fondamentaux. La loi générale de l’action et de la réaction se traduit par quelques adages basiques dont nous avons déjà parlé par ailleurs :
1. La violence entraîne la violence. Et en particulier :
2. L’égoïsme entraîne l’égoïsme
3. Le roi est yang, le peuple est yin. Le « roi » pouvant désigner toute sorte de gouvernement.
4. Un peuple a le gouvernement qu’il mérite, et vice-versa, un gouvernement a le peuple qu’il mérite.
La troisième attribue un caractère actif au gouvernement, et un caractère passif, ou plutôt : réactif, au peuple. L’application directe de cette seconde affirmation est que le « peuple » ne serait pas responsable de ses errements, ce qui semble justifier l’argument dont nous parlons.
De fait, le pouvoir réel, qui est actuellement de nature économique (finance, multinationales …) et dont les gouvernements ne sont que des relais, a une tendance évidente à l’égoïsme, et une autre tendance à garantir ses intérêts par la violence, ou (en « démocratie ») par la manipulation mentale (qui est aussi une sorte de violence, si on veut). L’égoïsme entraîne l’égoïsme, autrement dit l’égoïsme du pouvoir tend à engendrer naturellement celui de l’ensemble de la population. La généralisation de l’égoïsme dans le peuple est ainsi une réaction naturelle de celui-ci contre l’égoïsme du pouvoir. Rappelons qu’une réaction est « yin », au contraire d’une action qui est « yang ». Il en résulte l’égoïsme des grévistes qui exerce alors une forme de violence contre leurs concitoyens. Par réaction en chaîne, une conséquence de l’égoïsme des grévistes est alors l’égoïsme des victimes des grèves elles-mêmes !!! Nous avons pu constater que ces victimes ont souvent des comportements pour le moins indifférents, parfois fort peu civils, voire ignobles, les uns envers les autres. Réaction en chaîne. C’est la spirale de la violence.
Il est toutefois notable et heureux que l’égoïsme des victimes n’est pas général ; on peut constater aussi pendant ces grèves, de la part des victimes, de nombreux actes de solidarité, qu’il faut absolument mettre en exergue, car si l’égoïsme est contagieux, inversement :
5. L’altruisme entraîne l’altruisme.
Ainsi en temps de guerre, si des égoïsmes se sont trouvés exacerbés, inversement de belles solidarités se sont aussi produites.
Car la seule opération efficace pour retrouver la justice et l’harmonie, c’est de stopper la spirale de la violence. Les grévistes et syndicats du secteur public, ces derniers mois, ont raté une belle occasion de briser cette spirale. De plus ils provoquent des divisions dans le peuple, ce qui exacerbe encore plus les égoïsmes.
Mais alors, au lieu de grèves, que faire pour lutter contre les injustices ?
Considérant que les injustices sont en général liées au consumérisme (dan sa signification de consommation à outrance et organisée), Il n’y a qu’une méthode de lutte possible ; elle s’applique sur le moyen ou long terme ; c’est une vraie action, non pas une réaction. Il s’agirait d’un mouvement solidaire et général orienté vers l’arrêt du consumérisme en particulier, et vers l’amour du prochain en général. Méthode qui ne sera pas développée ici car j’en ai déjà beaucoup parlé par ailleurs, et je continuerai à en parler à l’occasion.
Il faut préciser que, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, un mouvement anti-consommation concernerait aussi (voire surtout !) les plus pauvres, car certaines de leurs dépenses nécessaires pourraient être diminuées ; à commencer par le coût du logement, outrageusement élevé dans de nombreuses villes du fait de la « loi » scélérate de « l’offre et la demande ».
En tout cas, ce dont on peut être sûr, c’est qu’une action qui ne brise pas la spirale de l’égoïsme, n’est pas une action – tout au plus une réaction – et se trouve vouée à l’échec.
Lutter contre l’injustice, oui, mais avec des armes pures ; et les seules armes pures sont celles inspirées par, et seulement par, la bienveillance et la compassion.
Rien de valable ni de durable, hormis l’amour du prochain.